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Beaux livres

Techniquement, ce sont les ouvrages les moins difficiles à réaliser, mais il faut, pour assurer leur succès, réussir un équilibre subtil. Ces ouvrages ont souvent été l’occasion d’inoubliables rencontres avec des auteurs de talent.

Des débuts modestes et discrets

Suite à un passage dans une éphémère école de journalisme, j’ai découvert le monde de l’édition en participant à un atelier d’écriture. L’exercice consistait à rédiger, comme une dizaine d’autres étudiants, un chapitre pour un ouvrage à paraître aux éditions Nathan : La France fortifiée, dont l’auteur était le directeur de l’école, Nicolas Martin. Deux chapitres ont alors retenu l’attention du directeur éditorial de Nathan (Jean-Marc Dabadie, longtemps ensuite directeur des éditions de l’Imprimerie nationale), celui de Juan Pirlot de Corbion (aujourd’hui PDG de youscribe, après avoir créé chapitre.com) et le mien. Juan et moi, avons alors rédigé un second chapitre, et nous nous sommes partagé la réécriture de ceux de nos camarades. Ce qu’on appelle un travail de nègre.

La France fortifiée, Nicolas Martin, éditions Nathan, 1990.

J’ai intégré le département beaux livres, secteur patrimoine, art, civilisations des Éditions Nathan quelques années plus tard. C’est François Besse (directeur du département, aujourd’hui PDG de Parigramme) qui m’a recrutée comme assistante d’édition auprès de Fabienne Vaslet. Dans ce secteur, à cette époque, ce sont des dizaines de livres qui sont publiés, pas seulement en fin d’année comme c’est le cas le plus souvent aujourd’hui.

Collection « Mémoires »

Des anthologies littéraires et photographiques. Deux titres parus en 1991 : Mémoires des mères, textes réunis par Claire Julliard, iconographie choisie par Sophie Le Tellier, et Mémoires d’enfance, textes réunis par Nathalie Azoulai, iconographie choisie par Sophie Le Tellier.

Collection « La légende illustrée »

Deux titres voient le jour en 1991, Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, et Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas.

 Les Trois Mousquetaires, mis en images par Michel Durand, 1991. Mon travail a surtout consisté à faire des coupes dans le texte original. Même si Dumas tire souvent à la ligne et n’est pas avare de longueurs, les ajustements du texte au travail graphique qui me sont demandés vont au-delà…

À cette époque, on ne travaille pas encore en PAO. Sur la maquette montée à la colle et à l’exacto, il faut compter les signes pour réaliser ce travail de dentelle. Une véritable torture…

Quelques autres beaux livres

Les Mythes grecs, Claude Mossé, Érich Lessing, 1991. Ma contribution fut très modeste pour cet ouvrage. Pourtant, il a toujours été l’un de mes préférés. Pour le sujet même d’abord : la mythologie me passionne depuis l’enfance. Mais pour la rencontre avec une grande helléniste d’une part et d’un photographe exceptionnel d’autre part.

Erich Lessing, surtout connu comme reporter (entre autres membre de l’agence Magnum), avait rassemblé à partir des années soixante, une collection fabuleuse d’œuvres photographiées dans les plus grands musées du monde. Pour illustrer cet ouvrage, une sélection de ses plus belles images a été rassemblée.

Notre-Dame de Paris, Alain Erlande-Brandenbourg, 1991.

Une monographie magnifique. À cette époque, la restauration de la cathédrale ne permettait pas souvent de voir la façade. Nous avions profité d’un démontage temporaire des échafaudages pour programmer un reportage photo (Caroline Rose).

La même année, un autre titre est publié, La Sainte Chapelle.  

La Peinture américaine, Georges Boudaille et Patrick Javault, 1992. Cet ouvrage faisait partie d’une collection consacrée à la peinture. Il a marqué pour moi le début d’un intérêt pour la peinture américaine contemporaine. En particulier pour Basquiat, le dernier artiste représenté dans cette chronologie, dont je ne connaissais pas grand chose auparavant.

Le beau livre en crise

Les résultats catastrophiques de l’année 1991-1992 ont conduit le groupe à arrêter l’activité beaux livres chez Nathan (le fonds est alors cédé à Hervé de la Martinière qui en était le directeur, et qui a ainsi créé sa maison) et à se recentrer sur les livres pratiques qui semblaient avoir échappé à la crise. C’est pour moi le début d’une nouvelle aventure.

Les ouvrages de référence, mais aussi des « jolis livres »…

J’ai poursuivi ma carrière éditoriale chez Nathan en intégrant le département Nature dont le catalogue allait des ouvrages pratiques aux beaux livres. Mais, avec la scission du catalogue « grand public » et la cession des beaux livres à Hervé de la Martinière, le terme « beau livre » est temporairement banni, au profit de « jolis livres ».

Pour découvrir la nature insolite en France, la météo, les volcans, les chiens de chasse, les jeunes chiens, les oiseaux des côtes de France, la voile, la plongée sous-marine, les Dauphins en liberté (le « best seller » du département) et ses suites : Requins en liberté, Baleines en liberté… la collection « Rendez-vous de la nature » faisait paraître plusieurs titres chaque année.

Réunir autour d’un auteur des équipes motivées a toujours été pour moi une grande satisfaction. Passer d’un sujet à un autre, autant de découvertes qui n’ont cessé de combler une curiosité insatiable.

Dans cette collection très hétérogène (on y trouve des ouvrages sur la chasse, la pêche, la météo…), Les Jeunes Chiens (qui faisait suite à un Chatons du même auteur), a failli ne jamais voir le jour. Il a fallu reconstituer une équipe en cours de réalisation (maquette bâclée). Un coup dur, mais au final un ouvrage qui conforte la conviction de la nécessité de la PAO pour le département Nature.

Aucun lien entre les sujets abordés, si ce n’est la nature bien sûr. Pour cet ouvrage, les photographies de Georges Dif sont le point de départ d’un long voyage à la découverte des oiseaux des littoraux. L’ouvrage est complété avec la reprise des dessins de l’Inventaire de la faune de France.

La voile est un univers totalement inconnu pour moi. Mais avec un auteur et un illustrateur passionnés et prêts à partager leur passion, rien n’est impossible ! Peu à peu, j’ai appris que la position du néophyte était même un avantage : comme premier lecteur, on est davantage à même de déceler les petites failles qu’un spécialiste pour qui le sujet n’a pas (ou peu) de secrets. 

Autres collections

En collaboration avec le Muséum national d’Histoire naturelle : Îles, vivre entre ciel et mer, Les Savants en Égypte, Nature vive, Un voyageur naturaliste, Alcide d’Orbigny… des ouvrages qui accompagnent les expositions du Muséum.

Sortir des sentiers battus

Est venu le temps de concevoir complètement un ouvrage : Échappées vertes en France (2002) : d’un projet de collection d’ouvrages régionaux que la maison ne peut s’engager à publier, j’ai proposé de faire un grand livre de référence couvrant toutes les régions. J’ai imaginé le principe de la maquette en modules (doubles-pages) et coordonné la mise au point d’une prémaquette avec un graphiste très créatif : Jean Yves Grall avec qui j’ai travaillé pour les Inventaires. Une fois le projet validé par tous les intervenants, j’ai établi le chemin de fer et rédigé un cahier des charges pour l’auteur : nombre de chapitres, de modules, calibrage des textes, liste des illustrations à fournir en plus de celles à reprendre de nos Inventaires. Le reste (la réalisation) n’était plus que routine…

C’est, de toutes ces années, le seul livre dont le tirage de l’édition étrangère (néerlandaise) a été supérieur au tirage français.

 

Tel un Phénix…

Mais un catalogue ne peut longtemps exister pour une maison comme Nathan sans une offre de fin d’année. Aussi, les beaux livres nature vont de nouveau voir le jour.

Je retiens deux coéditions : Libres et sauvages (2000), du photographe américain Art Wolfe dont j’admire le travail, et La Lumière et les oiseaux (2002), de Lars Jonsson, l’un des plus grands illustrateurs naturalistes contemporains. Un émerveillement.

 Parmi les nombreuses créations : Canyons, au pays des roches rouges (2005) d’Olivier Grunewald (un des meilleurs photographes de nature français) et Bernadette Gilbertas (pour les textes). Travailler avec eux devient un plaisir. Cet ouvrage est ma dernière contribution pour les éditions Nathan.

Sans tambour ni trompette, le département Nathan nature disparaît discrètement.

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